covid long

Le jour où j’ai failli devenir veuve

Not so dramatic… Mais en fait, si. Attendez deux secondes, j’essaie de ne pas minimiser les deux dernières années de ma vie, comme si je n’en faisais pas encore des cauchemars aujourd’hui 🥲

This girl a dû gérer

Vous me direz, c’est l’habitude. J’ai tout le temps dû être la personne forte qui gère pour tout. Tout le temps. En toute situation. Et ça là, ça a détruit un peu tout ce que j’avais construit. Mais revenons à il y a deux ans.

On rentre de vacances, la vie est incroyablement belle. On fait des plans sur la comète, nos futurs voyages, nos envies. J’ai enfin pu lui faire découvrir l’Allemagne après tant d’années, la vie était douce.

Beaucoup trop douce.

Puis on a repris le travail. Moi dans mon toxic job que j’allais quitter un an après. Lui dans sa nouvelle boîte dans laquelle il se plaisait bien, enfin. Trois semaines après, il rentre du travail, pas bien. Les symptômes du COVID. J’ai les mêmes quelques jours après et on a beau se faire tester, tous les tests reviennent négatifs. Il est en arrêt maladie, moi ça va assez pour continuer à travailler.

Il revient en entreprise et apprend que son collègue avec qui il travaillait, avait le COVID. Juste, il avait peur de perdre son salaire avec les jours de carence. Alors, il est quand même venu, juste il n’a rien dit à ses collègues et n’a pas porté de masque. Il a contaminé les autres. Et cela aurait pu s’arrêter là.

J’aurais tellement aimé que ça s’arrête là

Mais au bout d’une journée de travail, ce n’est plus possible.

Il rentre et s’écroule.

Le médecin ne sait pas ce qui se passe, mais lui prescrit du paracétamol. Et des anti-dépresseurs parce qu’il a l’air triste.

Chouette.

C’est fulgurant. D’abord, les douleurs et la fatigue. Et un soir il se lève, il se tient au mur. Et il me demande de l’aider parce que ses jambes ne le tiennent plus. Et tout s’accélère. Il dort tout le temps, les douleurs sont de plus en plus intenses. Il perd 20 kilos en deux mois. Il n’arrive plus à marcher sans aide. Je le porte, le nourri, le déplace, l’habille. Je ne le reconnais plus. Plus la maladie progresse et plus je me fais à l’idée violente que je vais peut-être devenir veuve à 30 ans. Je prends la décision de réorganiser un peu l’administratif, qu’est-ce qui se passe si demain il n’est plus là ? Qui contacter ? Que faire ?

Et en parallèle je prie mon médecin de me sortir de mon job où ma cheffe soutien un harceleur pour ne pas faire de vague, pitié on se croirait à l’éducation nationale.

Je l’emmène voir son médecin qui souhaite continuer à faire des ordonnances pour Doliprane. Je la force littéralement à l’ausculter. 25€ la consultation de 5 minutes pour entendre un « je vous remets deux semaines d’arrêts » sans réfléchir, non merci.

Elle le pèse et commence à réfléchir. Elle le met debout, lui demande de serrer ses mains à elle. Il en est incapable. Et là, enfin elle comprend qu’il y a un problème. Elle nous fait une liste longue comme le bras de spécialistes à voir et le mets sous protéine. Je prends mon pc, mon mari, une feuille, un stylo et je m’improvise médecin, je le vois dépérir de jours en jours et il n’est pas question d’attendre 6 mois – si ce n’est plus – pour avoir des réponses.

On liste les symptômes, le site du VIDAL devient mon meilleur ami. Je me fais une tier list des maladies les plus probables et j’élimine tout ce que je peux par déduction. Sa médecin n’est pas convaincue, à chaque spécialiste, chaque test, je demande des examens complémentaires. Je continue à réduire ma liste ainsi. Jusqu’à en retenir un seul.

Bienvenue, COVID Long

Bien sûr, la médecin ne veut pas y croire. Elle ne connait pas cette maladie, donc elle nous propose… Un diagnostic de fibromyalgie. Je lui propose plutôt de nous laisser rencontrer le médecin de l’unité COVID la plus proche.

Entre temps, je reprends mon job pas ouf. Ma cheffe me demande si j’ai un problème avec elle pour être si ailleurs, en convo avec mon N+2. Je lui raconte ma situation. Mon N+2 me propose de gérer avec mon quasi full télétravail. Elle chouine sur ce détail, car elle préfère me voir sociabiliser avec des gens qui ne sont que des collègues pour moi, à 95%. Comme si je n’avais pas la crainte de voir mon mari mourir.

L’unité COVID est sur la côte, après un examen et la lecture de tous les autres examens et tests passés ces derniers mois, ils arrivent à la même conclusion : c’est bien un COVID long. Maintenant, il faut attendre qu’une place se libère chez eux pour commencer une rééducation par l’effort. On visite l’unité, les chambres ont une vue sur Chausey. Ces mêmes chambres qui abritent des malades du COVID long sous respirateur artificiel, couchés dans des lits, incapables de faire plus.

On a échappé au pire. Il respire encore. Il a mis un an à récupérer ses capacités pulmonaires d’avant COVID.

Le moment où plus rien ne compte

C’est l’été. Et quand les ambulances ne peuvent pas l’emmener à ses séances en unité, je sacrifie des journées de télétravail pour l’emmener. Je mange des glaces pendant qu’il récupère ses muscles et sa motricité. Je n’ai jamais autant visité une ville où j’ai aimé vivre, avec autant d’amertume. Je l’emmène aux 4 coins de la région ou en Bretagne pour rencontrer d’autres spécialistes ou passer des tests. Rien ne me retient, il est ma priorité.

Je passe des entretiens d’embauche pour partir. Mais je craque avant et je n’arrive plus à rester calme face à un bullshit job et le surplus de choses à gérer pour palier les incompétences. Mon médecin me fait arrêter les frais, encore une fois. La dernière fois. Je n’y remettrais jamais un pied.

Je suis un peu débile, alors malgré ma propre fatigue et sous anxio, je me fais tatouer pendant 5h, je me décide de taper des randonnées difficiles et enchaîner avec un concert de métal à 100km de chez moi. Je chiale un coup quand j’entends les premiers accords de BMTH comme si je n’écoutais pas ce groupe en boucle depuis que ça ne va pas. J’en ressors rincée, mais mentalement retapée. Je ne laisse rien passer à ma boîte, je décroche un job ailleurs.

Quand je fais ma première journée dans mon nouveau poste, mon mari termine sa rééducation en unité COVID long. Et on apprend à vivre avec la maladie. Il est capable de marcher à nouveau sans aide, il a repris du poids, il a retrouvé ses muscles. Les douleurs ne le quittent pas et c’est toute une vie à réorganiser. Il m’apprend à faire des choses, au cas où. Au cas où demain il n’est plus là pour les assumer.

L’après

Il est aujourd’hui assez stable pour que la sécurité sociale considère qu’il peut être mis en invalidité. Il ne retravaillera pas tant que son état n’évoluera pas vers quelque chose de mieux. Alors, il n’a plus qu’à attendre de guérir et gérer au quotidien avec sa maladie.

Je n’ai plus à me battre. Pour la première fois depuis des années, je me lève sereinement le matin et je n’ai pas envie de pleurer à cause du taf. Mon corps décide donc que c’est le moment de me rappeler que tout ça, c’était traumatisant.

Merci à lui (non).

Je fais des cauchemars, des rêves incroyablement réalistes où je dois gérer le décès de mon mari, contacter tous nos proches pour leur annoncer son départ. C’est tellement réaliste parce que mon cerveau a déjà compris qui décrocherait son téléphone, à qui il faudrait l’annoncer par message, quelles seraient leur réaction, comment moi je réagirais… Non vraiment le cerveau est parfait là-dessus. Je me réveille le matin en ayant pas l’impression d’avoir dormi, les bras ankylosés à force d’avoir été crispée toute la nuit.

Mon cerveau est chiant.

Bref, j’ai failli devenir veuve. Et encore une fois, j’ai été forte. Mais il est temps de déposer les armes.

Souffler. Pour mieux repartir ❤️


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