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[Chronique] Et si on se prostituait ? – Eva Giraud

[Chronique] Et si on se prostituait ? – Eva Giraud

et si on se prostituait


« J’ai cherché du boulot pendant quatre ans. Avec acharnement. Deux heures par jour, cinq jours par semaine. Je n’ai pas eu un seul entretien. J’ai postulé, cent fois, deux-cents fois, postulé encore. Et puis j’ai arrêté de compter.
J’ai 25 ans, je suis au chômage mais ne touche pas le chômage. Que faire quand on ne rentre pas dans les cases ? Eh bien, on fait comme moi, et comme des milliers d’autres : on cherche, on s’occupe, on travaille pour la gloire, et on prend ça avec humour. Et surtout, parfois, on a envie d’étrangler les gens qui nous disent que « quand on veut on peut ». »
Elle s’appelle Eva, elle cherche du travail depuis… toujours ? Oui c’est plus ou moins ça. Vous connaissez tous une « Eva », nous sommes tous concernés de près ou de loin par sa situation. Heureusement, Jean-Claude est là pour la soutenir. Et c’est avec humour, bien qu’avec réalisme également, qu’elle nous présente son aventure, pour ne pas dire son parcours du combattant.

« Et si on se prostituait » est un témoignage qui n’emploie pas la langue de bois et qui dénonce une réalité qui ne fait pas toujours plaisir… Mais Eva a le mérite de s’exprimer sur le sujet dans cette nouvelle dont le ton léger permet de ne pas dramatiser le sujet abordé. Car même si la situation est effectivement dramatique pour nombre de jeunes comme Eva, elle a su présenter son expérience avec du recul et un cynisme qui lui va tellement bien…

Mon avis

Eva est au chômage depuis quatre ans. Pourtant, elle a travaillé dur pour obtenir son BTS édition, elle a tout donné pour le décrocher. Et pour quels résultats? Essuyer des refus – quand un employeur veut bien se donner la peine de lui répondre – , travailler pour la gloire en se disant que ça fera bien sur le CV, un peu d’expérience… Eva nous délivre un témoignage poignant, qui reflète bien la difficulté de trouver un emploi. « Nous connaissons tous une Eva« . Je suis une Eva, ça va faire trois ans que j’essaye avec difficulté de trouver aussi un emploi, alors quand je vois qu’elle parle de ce « service civique », ou des formations inutiles que nous colle pôle emploi, je me suis très vite reconnue.

Nous suivons mois après mois Eva, face à ses efforts, ses désillusions, les employeurs peu scrupuleux qui n’hésitent pas à lui demander si elle vient de la part de quelqu’un, ou qui n’hésitent pas à briser ses espoirs en lui faisant miroiter un contrat, pour plus tard lui refuser. On a envie de l’aider, de l’épauler, de lui dire qu’elle y arrivera à s’en sortir. Elle y croit aussi, mais au bout de quatre ans, qu’espérer de plus?

Cependant, point de mélo-dramatique et d’apitoiement sur sois-même, l’auteure nous délivre son récit avec une touche de cynisme et d’humour noir qui fait sourire malgré le sujet. Avec Jean-Claude, son chat et sa colocataire Léa, elle pense quand même: « et si on se prostituait? » une idée jetée qu’elle ne réalisera pas, mais ce n’est pas sans rappelé les étudiantes qui ne peuvent et payer leur scolarité et leurs frais et qui décident donc de louer leur corps pour subvenir a leurs besoins. L’écriture fluide d’Eva nous emmènes à travers cette tranche de vie qui se lit très vite, en moins d’une heure j’avais bouclé cette nouvelle de 64 pages. Il n’y a pas vraiment de fin. On s’arrête au bout de quatre années d’intenses recherches avec une petit leçon de morale à l’intention des personnes qui pensent que les jeunes ne font rien pour s’en sortir, les mettant devant le fait accomplit: si ils ne la croient pas, qu’ils viennent donc passer un mois ou deux chez elle, pour comprendre un peu mieux ce qu’elle vit.

En bref, j’ai beaucoup aimé ce témoignage que nous délivre Eva et je me suis beaucoup reconnue à travers ces lignes. Je remercie le forum Have a Break, Have a Book et les éditions Edibitch pour ce partenariat.