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[Chronique] Les soirées de Charles – Armand Aurèle

[Chronique] Les soirées de Charles – Armand Aurèle

les soirées de charles


Charles organise des soirées échangistes avec un raffinement qu’apprécient ses invités, triés sur le volet. Ce roman relate l’une de ces soirées, mais pas n’importe laquelle. Il s’agit pour Charles, passionné de psychologie, de faire une expérience. Comment une partouze, organisée en thérapie de groupe, peut-elle transformer ses participants ?

Les six invités vivront chacun à leur tour une expérience inoubliable : œuvrer comme serviteur nu, disponible à chacun, pour cet avocat puissant ; révéler son homosexualité latente, pour celui qui se croyait strictement hétéro ; se venger d’un mari humiliant en endossant le rôle de dominatrice ; réaliser la vanité de ses conquêtes pour ce dragueur impénitent mis en présence de femmes offertes… Charles amène chacun des participants à dépasser son statut à travers un jeu de rôle, une épreuve, une performance, qui sont bien sûr autant de scènes érotiques largement détaillées.

Le temps du livre est celui de la soirée.
Le récit alterne, façon caméra subjective, les points de vue de chaque protagoniste, procédé qui vous fera vivre de l’intérieur tous les instants de cette soirée. Sensations fortes garanties !

Mon avis

Charles organise des soirées d’un genre particulier. Avec des invités triés sur le volet, il se livre a des expérimentations comportementales à travers des soirées échangistes. Que ce soit pour révéler une homosexualité latente, des désirs de dominations/soumission ou aider deux personnes à ouvrir les yeux sur leur situation. A travers diverses scènes imaginées par Charles, ses invités vont évoluer….

Alternant entre les points de vue de chaque invités, nous découvrons leur façon de voir les choses, et comment ils appréhendent la suite de la soirée. Bien au delà du simple roman érotique, nous avons là la vision de différentes personnes sur un même évènement, et ce que cela leur apporte. Sans découpage de chapitre ni de rupture, nous avons les avis tour à tour, nous restons donc vraiment dans le moment présent. Mis à part le débriefing de fin de soirée, nous ne revenons pas sur ce qui s’est passé. Il n’y a donc pas de dialogues, ou très peu. La narration se base sur les monologues intérieurs des invités, leur avis du moment, comment ils voient la scène qui se déroule sous les yeux, comment ils la vivent.

Même si on le devine pour quelques-uns des personnages, on ne comprend pas comment telle ou telle mise en scène peut les aider. Notre organisateur leur a fait remplir des questionnaires avant la soirée, il savait donc ce qu’il faisait. Mais pour le lecteur, ce n’est qu’au moment du débriefing (très studieux, au passage) que les dernières pièces du puzzle nous sont données, et on comprend tout de suite les choix de Charles.

Notre maître de soirée est au final qu’observateur et ne prend pas part aux ébats qu’il a organisé, pour pouvoir aider au mieux ses convives. Et quels ébats ! Armand Aurèle va droit au but, ne faisant pas dans la dentelle et la fioriture à ce niveau-là, mais sans tomber dans le vulgaire. Particulièrement émoustillant, ces ébats rythment notre histoire, car pour nos six participants, il faut bien contenter tout le monde… Le tout est extrêmement bien écrit.  La plume fluide de l’auteur nous transporte à travers cette soirée pour le moins particulière.

En bref, j’ai passé un excellent moment en compagnie de ce livre! On frôle presque le coup de cœur! Merci au forum Au coeur de l’Imaginarium et les éditions La Musardine pour ce service de presse.

 

[Chronique] Hell – Lolita Pille

[Chronique] Hell – Lolita Pille

hell

  • Éditeur : Grasset/ Le livre de poche (2004)
  • Pages : 156
  • Genre : Contemporain
  • Prix : 5.10€
  • Acheter Hell

« Je suis une pétasse. Je suis un pur produit de la Think Pink génération, mon credo: sois belle et consomme. » Hell a dix-huit ans, vit à Paris Ouest, se défonce à la coke, est griffée de la tête aux pieds, ne fréquente que des filles et des fils de, dépense chaque semaine l’équivalent de votre revenu mensuel, fait l’amour comme vous faites vos courses. Sans oublier l’essentiel: elle vous méprise profondément…
Jusqu’au soir où elle tombe amoureuse d’Andréa, son double masculin, séducteur comme elle, et comme elle désabusé.
Ensemble, coupés dum onde, dans un corps à corps passionnel, ils s’affranchissent du malaise qu’ils partagent. Mais les démons sont toujours là, qui veillent dans la nuit blanche de ces chasseurs du plaisir.
Entre romantisme et cynisme, voici les débuts d’un « adorable monstre » de dix-neuf ans.

Mon avis

Ella a 19 ans, n’aime pas son prénom et préfère se faire appeler Hell, comme ce qu’elle vit. Hell fait parti de la jeunesse dorée, dépense ce que l’on gagne en un mois en l’espace de 24h, se drogue, couche avec n’importe qui et ne porte que des vêtements de grandes marques. Ses amis ? Elle s’en moque complètement. Ils resteront ses amis tant qu’ils seront aussi friquée qu’elle. Son but dans la vie ? Trouver un mec qui pourra l’entretenir, comme sa mère et sa grand-mère avant elle, histoire de ne jamais avoir à travailler une seule fois. Mais il y a une chose que Hell ne peut s’offrir avec l’argent de ses parents : le bonheur. Mais tout bascule le jour où elle rencontre son alter-ego masculin, Andrea, et que l’amour naît entre eux. Tout se passe bien pendant six mois. Plus de soirées, plus de coke, juste de l’amour et une vie quasi normale. Mais Ella replonge et entraîne dans sa chute l’amour de sa vie…

Désillusionnée avant l’age je dégueule sur la facilité des sentiments.
Ce qu’on nomme l’amour n’est que l’alibi rassurant de l’union d’un pervers et d’une pute que le voile rose qui couvre la face effrayante de l’inéluctable Solitude.
Je me suis carapaçonnée de cynisme, mon coeur est châtré, je suis l’affreuse Dépendance, la moquerie du Leure universel; Eros planque une faux dans son carquois.
L’amour, c’est tout ce qu’on a trouvé pour aliéner la déprime post-coïtum, pour justifier la fornication, pour consolider l’orgasme. C’est la quintessence du Beau, du Bien, du Vrai, qui refaçonne votre sale geule, qui sublime votre existence mesquine.

Dès le départ, j’ai détesté Hell. Elle arrive, nous prends de haut et nous fait bien comprendre que nos vies sont misérables à côté de la sienne. Franchement, je n’ai eu qu’une envie au début : qu’elle souffre, qu’un malheur quelconque lui tombe dessus, qu’elle ne s’en tire pas comme ça. Mais plus on tourne les pages, plus on se rend compte de son malheur, que sa vie est vraiment misérable, et qu’en vérité elle est seule. J’ai pensé que sa rencontre avec Andrea la détruirait, il est un peu le bad boy que toutes les filles cherchent à avoir, et chaque demoiselle qui a pu repartir avec lui a fini dans un état lamentable, oubliées dans des clubs libertins ou attachées à son radiateur pendant que Monsieur partait tout le week-end au Casino de Deauville… En bref, je m’attendais à ce qu’il lui réserve le même traitement qu’aux autres, ça n’aurait été que justice. Ah, l’amour…

A partir de ce jour, j’étais foutu, j’étais accro. Dépendre de quelqu’un d’autre que de moi-même, m’affaiblir, me torturer, c’était tout ce que je redoutais.

La relation entre Andrea et Hell est forte, même si aucun des deux ne veux l’avouer à l’autre. L’intensité de leur relation se ressent, je me suis même surprise à vouloir un happy end pour eux. Andrea fait rêver Ella, l’emmène partout, s’accroche à elle au point de se détruire lui même consciemment : l’amour, le vrai. On ressent leur détresse au moment de leur séparation, quand ils tentent tout les deux de relever la barre… Ce n’est pas une lecture dont on en sort indemne, soit on aime, soit on n’aime pas. Pour ma part, j’ai mis du temps avant de pouvoir me consacrer à l’écriture de cet avis. J’ai regardé le film aussi, mais je l’ai trouvé plat, et je n’ai pas ressenti l’intensité de leur relation comme dans ma lecture. Je pense que l’un des deux protagonistes en voix off pour raconter leur histoire et partager leurs véritables sentiments n’aurait pas été de trop pour saisir l’importance de leur relation et l’impact de leurs actes.

En bref, ce livre est un véritable coup de cœur pour moi, qui m’a beaucoup fait réfléchir sur la jeunesse d’aujourd’hui qui préfère fuir la réalité en se droguant ou en buvant, et je n’ai pas pu m’empêcher de penser à certaines personnes qui ont fait parti de mon entourage, pour qui l’histoire aurait très bien pu être écrite pour eux, qui répètent et répéterons toujours les mêmes erreurs, qui finiront seuls, malheureux, avec leurs vieux démons, à l’image de Hell.

On vit… comme des cons. On mange, on dort, on baise, on sort. Encore et encore. Et encore. Chaque jour est l’inconsciente répétition du précédent: on mange autre chose, on dort mieux, ou moins bien, on baise quelqu’un d’autre, on sort ailleurs. Mais c’est pareil, sans but, sans intérêt. On continue, on se fixe des objectifs factices. Pouvoir. Fric. Gosses. On se défonce à les réaliser. Soit on ne les réalise jamais et on est frustré, pour l’éternité, soit on y parvient et on se rend compte qu’on s’en fou. Et puis on crève. Et la boucle est bouclée. Quand on se rend compte de ça, on a singulièrement envie de boucler la boucle immédiatement, pour ne pas lutter en vain, pour déjouer la fatalité, pour sortir du piège. Mais on a peur. De l’inconnu. Du pire. Et puis qu’on le veuille ou non, on attend toujours quelque chose. Si non, on presserait sur la détente, on avalerait la plaquette de médocs, on appuierait sur la lame du rasoir jusqu’à ce que le sang gicle.
On tente de se distraire, on fait la fête, on cherche l’amour, on croit le trouver, puis on retombe. De haut. On tente de jouer avec la vie, pour se faire croire qu’on la maitrise. On roule trop vite, on frôle l’accident. On prend trop de coke, on frôle l’overdose. Ça fait peur aux parents, des gênes de banquiers, de PDG, d’hommes d’affaires, qui dégénèrent à ce point là, c’est quand même incroyable. Il y en a qui essaient de faire quelque chose, d’autres qui déclarent forfait. Il y en a qui ne sont jamais là, qui ne disent rien, mais qui signent le chèque à la fin du mois. Et on les déteste parce qu’ils donnent tout et si peu. Tant pour qu’on puisse se foutre en l’air et si peu de ce qui compte vraiment. Et on finit par ne plus savoir ce qui compte, justement. Les limites s’estompent. On est comme un électron libre. On a une carte de crédit à la place du cerveau, un aspirateur à la place du nez, et rien à la place du cœur, on va en boîte plus qu’on ne va en cours, on a plus de maisons qu’on a de vrais amis, et deux cents numéros dans notre répertoire qu’on appelle jamais. On est la jeunesse dorée. Et on a pas le droit de s’en plaindre, parce que il paraît qu’on a tout pour être heureux. Et on crève doucement dans nos appartements trop grands, des moulures à la place du ciel, repus, bourrés de coke et d’antidépresseurs, et le sourire aux lèvres.