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[Chronique] La fille du train – Paula Hawkins

[Chronique] La fille du train – Paula Hawkins

la fille du train


Depuis la banlieue où elle habite, Rachel prend le train deux fois par jour pour aller à Londres. Le 8 h 04 le matin, le 17 h 56 l’après-midi. Chaque jour elle est assise à la même place et chaque jour elle observe, lors d’un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par cœur, elle a même donné un nom à ses occupants qu’elle voit derrière la vitre. Pour elle, ils sont Jason et Jess. Un couple qu’elle imagine parfait, heureux, comme Rachel a pu l’être par le passé avec son mari, avant qu’il ne la trompe, avant qu’il ne la quitte.

Rien d’exceptionnel, non, juste un couple qui s’aime. Jusqu’à ce matin où Rachel voit un autre homme que Jason à la fenêtre. Que se passe-t-il ? Jess tromperait-elle son mari ? Rachel, bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, décide d’en savoir plus sur Jess et Jason. Quelques jours plus tard, c’est avec stupeur qu’elle découvre la photo de Jess à la une des journaux. La jeune femme, de son vrai nom Megan Hipwell, a mystérieusement disparu…

Mon avis

Rachel prend le même train tous les jours aux mêmes heures, toujours à la même place. Le train passe toujours très lentement prêt de son ancienne demeure. Mais quelques maisons avant son ancienne, un nouveau couple à emménager. Elle ne les a jamais rencontrés, mais les vois tous les matins, sur le balcon. Alors tous les jours, pour passer le temps, Rachel leur invente une vie, des prénoms, toute une histoire où ils sont ses amis, un couple parfait, sans défauts. Mais quand Megan, la femme, disparaît du jour au lendemain, Rachel décide de faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider la police à retrouver cette femme qu’elle présente comme son amie…

Est-ce que cette Rachel n’a pas un petit problème ? Oui, elle est alcoolique. Divorcée, au chômage, elle n’a plus rien d’autre dans sa vie que les petites histoires qu’elle se crée. Et voilà qu’un de ses personnages principaux, Megan, disparaît sans laisser de trace. Et on découvre qu’elle n’est pas si parfaite que ça, qu’elle traine de lourdes casseroles qui l’empêchent d’aller de l’avant, faisant d’elle une femme solitaire. Mais tout cela n’aurait pas pu être complet si une femme ne s’était pas décidée à être leur rivale : Anna, la femme de l’ex de Rachel, ultra-protectrice envers sa fille Evie, qui aspire à vivre dans le calme et le bonheur, quitte à éloigner de sa vie par tous les moyens ces femmes qu’elle déteste…

Des personnages hauts en couleurs, donc, mais ces femmes cherchent toutes une solution à leur problème, bien que l’on pourrait regretter qu’elles soient montrées comme des femmes faibles qui ont besoin d’un homme pour s’en sortir. D’ailleurs en parlant des hommes, nous ne sommes pas en reste. On découvre donc les maris de Anna et Megan, parfaits en apparence, de véritables pervers narcissiques en réalité, toujours dans ce besoin de contrôler la vie de leur femme, mais ils ne sont pas manichéens, loin de là, on découvre aussi le peu de bons côtés qu’ils ont. Seul le psy est équilibré, dans cette histoire ! Cependant, je trouve dommage que seules les femmes soient travaillées, aient un passé, une vie, car les hommes ont une grande importance dans ce thriller et il aurait été intéressant d’en savoir plus de ce côté-là.

Je n’ai pas deviné un seul instant ce qui se tramait. Où est Megan ? Qui l’a enlevée ? Pas un seul instant je n’ai vu l’ombre d’un indice, Paula a su distiller ses informations au bon moment, ce qui est plaisant. Il y a beaucoup d’action, de rebondissements et de révélations à couper le souffle, tant on ne s’y attend pas ! En tout cas, La fille du train est tellement bien écrit, l’auteure ayant une plume fluide et un vocabulaire riche – mais pas complexe, que je l’ai lu en quatre heures, et d’une traite ! Un véritable pageturner, en somme, qu’il m’a été agréable de découvrir lors du bookclub de mai chez Madmoizelle.

En bref, La fille du train est un bon thriller qui mérite le succès qu’il connait, il en enchantera plus d’un ! D’ailleurs, la version en poche est pour septembre, et un film sortira chez nous en octobre prochain ! Voici la bande-annonce, mais attention, elle spoile énormément ! Ce visionnage se fait à vos risques et périls !

[Chronique] Il était une lettre – Kathryn Hughes

[Chronique] Il était une lettre – Kathryn Hughes

il était une lettre


Tina est malheureuse auprès d’un mari trop porté sur la boisson et souvent violent. Le week-end, pour ne pas être à ses côtés, elle se réfugie dans une boutique caritative où elle est vendeuse bénévole. C’est alors que sa vie bascule lorsqu’elle y découvre une lettre dans la poche d’un vieux costume. Cette lettre n’a jamais été ouverte, le timbre n’est pas cacheté et elle date de septembre 1939 : c’est une demande en mariage.

Très émue que la destinataire n’ait jamais reçu cette demande, Tina va mener l’enquête et découvrir l’histoire bouleversante d’un amour impossible… Celui de Chrissie, jeune sage femme de 17 ans qui tombe éperdument amoureuse du jeune séducteur de son quartier, malgré les réticences de son père, un médecin très strict. La guerre finit par exploser et son grand amour est contraint de partir au front, la laissant enceinte, et seule face à ce secret honteux qui va faire exploser sa cellule familiale.

Pendant que Tina poursuit ses recherches, elle découvre qu’elle aussi est enceinte, mais d’un homme qu’elle n’aime plus. Elle décide d’essayer de retrouver à tout prix Chrissie et son enfant, en espérant ainsi redonner du sens à sa vie. 

Merci aux éditions Calmann-Lévy pour cette lecture !

Mon avis

Tina est une jeune femme vivant dans les années 70. Secrétaire, elle travaille bénévolement dans une boutique caritative. Mais Tina est aussi une femme battue. En effet, son mari, porté sur l’alcool et au chômage lui fait vivre un enfer. Alors qu’elle travaille à la boutique, elle trouve une lettre dans une veste. Jamais ouverte, jamais postée, celle-ci date de 1939 et est destinée à une certaine Chrissie. Pour rendre son quotidien un peu moins morne, Tina va tenter de retrouver la fameuse Chrissie pour lui remettre sa lettre…

C’est un récit croisé qui nous est proposé là, alternant entre les points de vue des deux femmes, l’une en 70, et l’autre en 39, une guerre les séparant. On va remonter le passé au fil des découvertes de la jeune secrétaire, quand sa vie n’est pas chamboulée par son mari. Nous allons découvrir que la vie de Chrissie n’a pas été de tout repos, entre sa propre famille et l’auteur de la lettre. Et cela se ressent surtout à travers le personnage du père, un docteur qui se confortait énormément dans la société patriarcale, tout comme l’est en 70 le mari de Tina. Deux hommes tyranniques, deux hommes qui n’avaient pas le moindre respect envers les femmes, mais qui pensaient faire ce qu’ils faisaient pour « leur bien ».

On voyage énormément avec Il était une lettre. Entre les pays anglo-saxons (vous en saurez plus en lisant le livre !), le passé de Chrissie nous emmène partout, à toutes les sources qui pourraient nous permettre de la retrouver. Cela m’a plu de changer de décors, et de découvrir de nouveaux horizons avec nos personnages. Que ce soit les différentes époques et lieux, c’est un véritable dépaysement qui est le bienvenu.

Petite surprise, et qui n’est pas des moindres, Il était une lettre est un roman auto-édité ! Oui, oui ! Bien sûr, il est édité chez nous en français par Calmann-Lévy, mais il n’a pas eu besoin d’un éditeur pour rencontrer son petit succès ! Et pour cause, c’est un roman aboutit, bien écrit et où l’auteure maîtrise parfaitement ses différents sujets, sans trop en faire. Kathryn a su intégrer tout un panel de sentiments et d’émotions qui prennent le lecteur par surprise, du moins cela a été mon cas, car je ne m’attendais pas à un roman aussi poignant.

En bref, Il était une lettre est un excellent roman qui montre que chaque problème a sa solution, même si elle n’est pas pour aujourd’hui, même si elle doit traverser plusieurs pays. C’est un roman prenant, poignant, et qui peut surprendre sur bien des points, mais qui reste juste. Pour ma part, je l’ai adoré !

[Chronique] Et si on se prostituait ? – Eva Giraud

[Chronique] Et si on se prostituait ? – Eva Giraud

et si on se prostituait


« J’ai cherché du boulot pendant quatre ans. Avec acharnement. Deux heures par jour, cinq jours par semaine. Je n’ai pas eu un seul entretien. J’ai postulé, cent fois, deux-cents fois, postulé encore. Et puis j’ai arrêté de compter.
J’ai 25 ans, je suis au chômage mais ne touche pas le chômage. Que faire quand on ne rentre pas dans les cases ? Eh bien, on fait comme moi, et comme des milliers d’autres : on cherche, on s’occupe, on travaille pour la gloire, et on prend ça avec humour. Et surtout, parfois, on a envie d’étrangler les gens qui nous disent que « quand on veut on peut ». »
Elle s’appelle Eva, elle cherche du travail depuis… toujours ? Oui c’est plus ou moins ça. Vous connaissez tous une « Eva », nous sommes tous concernés de près ou de loin par sa situation. Heureusement, Jean-Claude est là pour la soutenir. Et c’est avec humour, bien qu’avec réalisme également, qu’elle nous présente son aventure, pour ne pas dire son parcours du combattant.

« Et si on se prostituait » est un témoignage qui n’emploie pas la langue de bois et qui dénonce une réalité qui ne fait pas toujours plaisir… Mais Eva a le mérite de s’exprimer sur le sujet dans cette nouvelle dont le ton léger permet de ne pas dramatiser le sujet abordé. Car même si la situation est effectivement dramatique pour nombre de jeunes comme Eva, elle a su présenter son expérience avec du recul et un cynisme qui lui va tellement bien…

Mon avis

Eva est au chômage depuis quatre ans. Pourtant, elle a travaillé dur pour obtenir son BTS édition, elle a tout donné pour le décrocher. Et pour quels résultats? Essuyer des refus – quand un employeur veut bien se donner la peine de lui répondre – , travailler pour la gloire en se disant que ça fera bien sur le CV, un peu d’expérience… Eva nous délivre un témoignage poignant, qui reflète bien la difficulté de trouver un emploi. « Nous connaissons tous une Eva« . Je suis une Eva, ça va faire trois ans que j’essaye avec difficulté de trouver aussi un emploi, alors quand je vois qu’elle parle de ce « service civique », ou des formations inutiles que nous colle pôle emploi, je me suis très vite reconnue.

Nous suivons mois après mois Eva, face à ses efforts, ses désillusions, les employeurs peu scrupuleux qui n’hésitent pas à lui demander si elle vient de la part de quelqu’un, ou qui n’hésitent pas à briser ses espoirs en lui faisant miroiter un contrat, pour plus tard lui refuser. On a envie de l’aider, de l’épauler, de lui dire qu’elle y arrivera à s’en sortir. Elle y croit aussi, mais au bout de quatre ans, qu’espérer de plus?

Cependant, point de mélo-dramatique et d’apitoiement sur sois-même, l’auteure nous délivre son récit avec une touche de cynisme et d’humour noir qui fait sourire malgré le sujet. Avec Jean-Claude, son chat et sa colocataire Léa, elle pense quand même: « et si on se prostituait? » une idée jetée qu’elle ne réalisera pas, mais ce n’est pas sans rappelé les étudiantes qui ne peuvent et payer leur scolarité et leurs frais et qui décident donc de louer leur corps pour subvenir a leurs besoins. L’écriture fluide d’Eva nous emmènes à travers cette tranche de vie qui se lit très vite, en moins d’une heure j’avais bouclé cette nouvelle de 64 pages. Il n’y a pas vraiment de fin. On s’arrête au bout de quatre années d’intenses recherches avec une petit leçon de morale à l’intention des personnes qui pensent que les jeunes ne font rien pour s’en sortir, les mettant devant le fait accomplit: si ils ne la croient pas, qu’ils viennent donc passer un mois ou deux chez elle, pour comprendre un peu mieux ce qu’elle vit.

En bref, j’ai beaucoup aimé ce témoignage que nous délivre Eva et je me suis beaucoup reconnue à travers ces lignes. Je remercie le forum Have a Break, Have a Book et les éditions Edibitch pour ce partenariat.