[Chronique] Derrière toute chose exquise – Sébastien Fritsch

[Chronique] Derrière toute chose exquise – Sébastien Fritsch

derrière toute chose exquise


Depuis près de vingt ans, Jonas Burkel photographie toujours la même femme ; seul le prénom change. Mais plus que les brunes longilignes au regard perdu, il semble que son vrai grand amour soit ses habitudes : ses disques de piano jazz, ses errances dans Paris… et ces corps féminins dociles et invariables.

La fille qu’il découvre dans un train de banlieue, accrochée à un roman d’Oscar Wilde, semble la candidate idéale pour prolonger la série : il oublie immédiatement son précédent modèle, imagine déjà sa nouvelle conquête devant son objectif, dans des rues sombres, sous la pluie, sous ses draps…

L’idée qu’une femme puisse refuser son petit jeu sentimental ne lui traverse même pas l’esprit. Mais comment pourrait-il deviner que, tout comme lui, la lectrice du train n’accepte aucune règle sinon celles qu’elle invente ? Et que tout ceux qui l’approchent doivent s’y plier ; jusqu’à y jouer leur vie.

Mon avis

Nous sommes le 15 février 1993. Jonas Burkel, quarantenaire et photographe, rentre d’un de ses nombreux voyages à Meaux pour son chez lui, à Paris. A peine monté dans le train qu’il la remarque. Grande, brune, elle ressemble à ses trente exs, trente femmes qui se ressemble toutes. Le nez plongé dans Le portrait de Dorian Gray, elle se laisse aborder par notre photographe qui est déjà sous le charme, qui lui laisse sa carte au cas où si elle aurait voulu poser pour lui. Une fois chez lui, elle l’appelle n’ayant nulle part où dormir, alors Jonas l’accueille chez lui, le temps d’une nuit. Sa vie s’arrête quand la jeune femme part de chez lui, sans jamais le recontacter… Un véritable jeu du chat et de la souris se lance, complètement romanesque, poétique et cruel.

Quand on se lance dans cette lecture, il est impossible de s’arrêter. On est pris dans la spirale des sentiments qu’éprouve Jonas, mais un Jonas malade, qui aurait écrit toute cette mise en scène, ou un Jonas réellement amoureux, pris dans l’engrenage infernal de la jeune fille au livre ? L’histoire est parsemée de longues descriptions poétisées, imagées, qui empiètent par moment sur l’histoire, mais qui ne nous dérangent pas plus que ça. C’est fluide, court, incisif, on voit où l’auteur veut en venir sans forcément deviner de quoi retourne le dénouement final.

J’ai beaucoup aimé comment les personnages étaient décrit, on ressent bien leur état d’esprit au moment où on les rencontre. Que ce soit Margot, la fille qui au bout de quatre ans n’arrive pas à se faire à l’idée que Jonas l’ai quittée pour une autre -comme d’habitude-, Kelly, sa seule amie, la seule femme qui le comprend, ou Emmanuelle, que j’ai trouvé un peu trop naïve, voir même Jonas en lui-même, ce photographe de quarante ans qui découvre enfin l’amour -le vrai, l’unique-, et qui n’arrive plus à faire quoi que ce soit de ses journées depuis que la jeune liseuse est partie vivre à l’hôtel, en dehors d’écouter Angel Eyes de Oscar Peterson, fumer des lucky en buvant un verre de whisky, tout en regardant ce que font ses voisins d’en face par la fenêtre, tout en repensant à elle.

En bref, un bon petit roman noir, teinté d’amour, de poésie et de drames, qui se lit vite. Un très bon moment passer en compagnie de Jonas avec qu’une seule interrogation : une suite verra-t-elle le jour ? En tout cas, je vais m’intéresser de plus près des autres ouvrages de l’auteur, qui me semble prometteur. Je tenais aussi à remercier le forum Have a Break, Have a Book et l’auteur, Sébastien Fritsch pour ce partenariat 🙂

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